Femme posant avec deux moutons dans une étable, mettant en valeur la production de laine durable.

Éleveuse de moutons Avranchins

et actrice d’une filière laine locale engagée ! Être éleveuse de moutons avranchins ne se résume pas à produire des animaux. Travailler avec une race ovine à petit effectif engage chaque décision sur le long terme : la préservation d’un patrimoine génétique fragile, la pérennité de la race, et, dans mon cas, la reconstruction progressive d’une filière laine…

et actrice d’une filière laine locale engagée !

Être éleveuse de moutons avranchins ne se résume pas à produire des animaux. Travailler avec une race ovine à petit effectif engage chaque décision sur le long terme : la préservation d’un patrimoine génétique fragile, la pérennité de la race, et, dans mon cas, la reconstruction progressive d’une filière laine locale presque entièrement disparue.

Depuis plusieurs années, je mène de front deux activités étroitement liées :
– mon travail d’éleveuse-sélectionneuse de moutons Avranchins,
– et la valorisation de leur laine, de la toison au produit fini.

Ces deux dimensions ne s’opposent pas. Elles se nourrissent l’une l’autre. Mais les faire coexister demande une organisation fine, une grande rigueur, et une capacité constante à arbitrer.

Sélectionner une race à petit effectif : un travail de fond, souvent invisible

Travailler avec une race à petit effectif, ce n’est pas seulement élever « autrement ». C’est accepter une responsabilité collective. L’Avranchin est une race rustique, historiquement ancrée dans son territoire, mais dont les effectifs restent limités. Cela impose une sélection extrêmement attentive.

Chaque accouplement est réfléchi en fonction des lignées, de la diversité génétique, de la fonctionnalité des animaux et de leur santé. La consanguinité n’est jamais un concept abstrait : elle est un risque réel, permanent, qui se gère sur plusieurs générations.

Contrairement aux élevages à large diffusion, ici, chaque animal compte. Il n’y a pas de marge d’erreur à grande échelle. La sélection est donc un travail lent, exigeant, souvent peu visible de l’extérieur, mais fondamental pour assurer la pérennité de la race.

credit photo Aurélie Bourassin

Le vivant impose son rythme, et il ne se négocie pas

À cette exigence de sélection s’ajoute la réalité de mon quotidien d’éleveuse. Les cycles biologiques structurent tout : gestation, mises bas, soins aux mères et aux agneaux, observation permanente. Les périodes d’agnelage concentrent une intensité particulière, où la présence humaine est indispensable.

On ne décale pas une mise bas. On ne « met pas en pause » un élevage pour répondre à d’autres impératifs. Le vivant impose son rythme, et travailler avec lui demande disponibilité, attention et humilité.

C’est dans ce cadre-là que s’inscrit toute autre activité développée en parallèle. Elle doit composer avec cette priorité absolue.

Valoriser la laine : repartir de presque zéro

Longtemps, la laine a été considérée comme un sous-produit sans valeur. Les filières locales ont disparu, les outils ont été démantelés, les savoir-faire se sont fragmentés. Choisir aujourd’hui de valoriser la laine locale, c’est accepter de repartir de très loin.

Il faut reconstruire chaque maillon :
– identifier des partenaires pour le lavage et la transformation,
– adapter les process à des laines rustiques,
– composer avec des volumes modestes,
– assumer des coûts élevés dans un marché habitué aux laines standardisées, importées et peu chères.

Développer une filière, ce n’est pas seulement produire des pelotes. C’est réhabiliter une matière, expliquer ses spécificités, accepter ses irrégularités, et défendre une autre idée de la qualité.

Relier la ferme, la laine et le public

Ce travail de fond ne peut exister sans transmission. Aller à la rencontre du public, expliquer les choix, raconter le chemin parcouru par la laine, est une étape essentielle. Les salons, marchés et événements textiles permettent de rendre visible ce qui ne l’est pas depuis la bergerie.

Mais cette présence a un coût réel : des kilomètres parcourus, des semaines sans pause, des journées longues, qui s’ajoutent au travail d’éleveuse sans jamais le remplacer. Il faut sans cesse trouver l’équilibre entre être sur le terrain, auprès des animaux, et être sur les routes, pour défendre notre projet.

Pourquoi continuer malgré la complexité ?

Parce que ce travail a du sens.

Préserver une race ovine locale, c’est préserver une diversité génétique et paysanne.
Valoriser la laine, c’est refuser le gaspillage et redonner une valeur à une matière vivante.
Reconstruire une filière, c’est recréer du lien entre agriculture, artisanat et société.

Et surtout, parce que le soutien des personnes qui choisissent ces laines, qui comprennent cette démarche, qui encouragent ce travail, est un levier déterminant. Sans ce soutien, ce chemin serait bien plus difficile à tenir.

Un engagement exigeant, mais profondément ancré

Tenir ensemble élevage, sélection, transformation et valorisation demande du temps, de la constance et beaucoup d’énergie. Ce n’est pas un chemin facile, ni rapide. Mais c’est un chemin cohérent, ancré dans le vivant et dans le temps long.

C’est ce chemin que je poursuis, jour après jour, avec mes moutons Avranchins, leur laine, et toutes celles et ceux qui choisissent de lui redonner une place.

Bien à vous

Aurélie

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